Page:Vogüé - Cœurs russes, 1893.djvu/39

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La dernière fois que l’oncle Fédia vint chez nous, c’était un dimanche du grand carême, sur le tard, par une bien mauvaise journée de bourrasques. Avant de repartir, il regarda le ciel et me demanda timidement si on ne le laisserait pas coucher à l’écurie avec son cheval. À cette idée, ma mère s’effraya et mon père refusa d’un ton péremptoire. Le vieux marchand s’éloigna sans insister. Je courus après lui, je lui dis à voix basse :

« – Oncle Fédia, il y a la grange du moulin qui est ouverte, tu sais, au bas de l’écluse ; tu pourrais t’abriter là.

« – Merci, bârine, me répondit-il, mais j’arriverai bien tout de même à la ville.

« – Et si l’ouragan de neige te prend en chemin, qu’est-ce que tu deviendras ? »

L’homme fit son humble grimace de lièvre effrayé :