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Page:Vogüé - Jean d Agrève, 1898.djvu/106

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jean d’agrève.

dieu intérieur qui les émouvait. Notre société ne peut juger équitablement cette primitive, pas plus que la foule ne peut apprécier dans nos musées les statues archaïques aux lignes trop sommaires, pas plus que cette foule ne devine la vérité humaine et la vie intense de ces corps à peine indiqués dans leur gaine de marbre.

Elle répugne aux confidences sur son passé. L’amour n’éveille pas en elle le premier besoin des cœurs qu’il envahit : déverser toute la vie antérieure dans la vie nouvelle que nous voudrions faire refluer jusqu’à nos origines, livrer au nouveau maître tout le patrimoine de joies et de douleurs qui ne fut amassé que pour lui. L’habitude de la défiance paraît si ancienne chez elle ! À grand peine, en quelques paroles rares et retenues, elle m’a laissé entrevoir sa formation d’enfant dans les chênaies du parc familial, la pénétration précoce de son âme par cette âme forestière, seule nourrice, seule maîtresse de son esprit. Au couvent où l’on essaya de l’élever, elle se ferma comme une fleur dans une atmosphère irrespirable, elle y resta farouche et malheureuse, en défense contre l’éducation formaliste, la dévotion apprise, la