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jean d’agrève.

habitent seules sur la petite rade qui se creuse à l’orée de la vallée principale. Protégée contre les vents par une jetée naturelle, par la longue barre transversale du rocher de Bagaud, cette crique offre aux bâtiments un refuge assez sûr. Une quinzaine de barques dorment au pied du môle ; autant de pauvres maisons s’étagent sous les remparts dégarnis du Vieux-Château. Les insulaires tendent leurs filets dans les eaux de Port-Cros ; ils vont porter en terre ferme, au Lavandou, le poisson qu’ils capturent, les légumes et les fruits hâtifs qu’ils récoltent ; ils ne s’éloignent guère que pour la pêche du thon, à la Saint-Michel d’août. Heureuse république, oubliée par notre engrenage social, légal, administratif. Il n’y a même pas de municipalité. Un garde du génie consigné dans le plus moderne des forts, une ou deux visites par an d’un adjoint délégué de la commune d’Hyères, le passage de l’ingénieur hydrographe, voilà tout ce qui rappelle à Port-Cros la gêne sociale, la limite du libre vouloir.

Au fond de la rade, à l’entrée de la vallée, un manoir du siècle dernier se cache derrière un rideau de tamaris et d’eucalyptus ; seule maison d’habitation à laquelle on puisse don-