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jean d’agrève.

dont pas un ne broncha devant ton ahurissement. — Regarde-les bien ; je te les présenterais tous que tu reconnaîtrais chez chacun d’eux une créature d’Homère, du véritable Homère, et non de celui que la convention classique a grimé dans nos collèges : un type tantôt grave et tantôt bouffon, mais de cette bouffonnerie propre aux héros de l’Odyssée, quand ils se divertissent. Ne la confonds pas avec la galéjade provençale. Et leur langage est tout naturellement celui des discoureurs de l’Odyssée. Avant-hier soir, je passais devant une maison où deux d’entre eux s’injuriaient, l’un sur le pas de la porte et l’autre à la fenêtre. — « Dis encore un mot, criait le premier, je monte et je t’arrache les entrailles. — Si je descend, répliquait noblement le second, tout sera fini pour le fils de ta mère. » N’est-ce pas d’un tour homérique ? Une heure après, tous deux buvaient fraternellement au cabaret. Chaque jour grossit ma collection de mots pareils, de récits épiques, plaisants parfois, et parfois d’une philosophie sourde, profonde, comme les leçons de l’Océan.

Je retrouve dans les cahiers de Jean les traces de nos longues causeries sur tous les sujets, pendant les trois journées que je pas-