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aube.

sai près de lui à Port-Cros, les dernières de notre vie commune. Il avait vraiment mué, je pus m’en convaincre ; du moins paraissait-il en défense contre toutes les tentations trop semblables à celles qu’il avait expérimentées et qu’il jugeait avec une cruelle clairvoyance. Cependant je me défiais encore de l’imagina­tion fébrile qui grondait sous cette raison lucide ; du « fou intérieur qu’il fallait enfermer », comme il l’appelait autrefois.

— Mon pauvre ami, lui disais-je, tu te donnes à la nature pour tromper ton cœur ; tu le promèneras toujours, ce cœur, comme un mendiant sa sébile, tu demanderas encore deux sous de doux mensonge.

Ce pronostic le jetait hors des gonds : — Alors, j’irai l’acheter à Tahiti ou à Yokohama ; mais ce ne sera plus dans votre monde, assurément !

La veille de mon départ, il me dit l’ennui où le mettait l’obligation d’y rentrer pour une heure, dans ce monde honni. L’escadre mouillait aux Salins d’Hyères ; l’amiral commandant avait lancé des invitations à une fête : il priait a danser sur son vaisseau pour le lendemain. D’Agrève ne pouvait guère se dispenser d’aller s’aligner chez le grand chef.