Page:Voiture - Lettres, t. 1, éd. Uzanne, 1880.djvu/260

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vous vous soyez mocqué de la bonne espérance que j’avois de nos affaires, vous en avoir ouy condamner la conduite par les evenemens, et vous avoir veu triompher des victoires de nos ennemis je suis bien aise de vous mander que nous avons repris Corbie. Cette nouvelle vous estonnera, sans doute, aussi bien que toute l’Europe, et vous trouverez estrange que ces gens que vous tenez si sages, et qui ont particulièrement cet avantage sur nous de bien garder ce qu’ils ont gagné, ayent laissé reprendre une place sur laquelle on pouvoit juger que tomberoit tout l’effort de cette guerre, et qui, estant conservée ou estant reprise, devoit donner pour cette année le prix et l’honneur des armes à l’un ou à l’autre party. Cependant nous en sommes les maistres. Ceux que l’on avoit jettez dedans ont esté bien-aises que le roy leur ait permis d’en sortir, et ont quitté avec joye ces bastions qu’ils avoient eslevez et sous lesquels il sembloit qu’ils se voulussent enterrer. Considérez donc, je vous prie, quelle a esté la fin de cette expédition, qui a tant fait de bruit. Il y avoit trois ans que nos ennemis meditoient ce dessein et qu’ils nous menaçoient de cet orage. L’Espagne et l’Allemagne avoient fait pour cela leurs derniers efforts. L’empereur y avoit envoyé ses meilleurs chefs et sa meilleure cavalerie. L’armée de Flandres avoit donné toutes ses meilleures troupes. Il se forme de cela une armée de vingt-cinq mille chevaux, de quinze mille hommes de pied et de quarante canons. Cette nuée, grosse de foudres et d’esclairs, vient