Page:Voiture - Lettres, t. 1, éd. Uzanne, 1880.djvu/262

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attendre. De sorte, Monsieur, que, hors la Capelle et le Castelet, qui sont de nulle considération, tout le fruit qu’a produit cette grande et victorieuse armée a esté de prendre Corbie pour la rendre et pour la remettre entre les mains du roy, avec une contrescarpe, trois bastions et trois demylunes qu’elle n’avoit point. S’ils avoient pris encore autres dix de nos places avec un pareil succez, nostre frontière en seroit en meilleur estât, et ils l’auroient mieux fortifiée que ceux qui jusques icy en ont eu la commission. Vous semble-t’il que la reprise d’Amiens ait esté en rien plus importante ou plus glorieuse que celle-cy ? Alors la puissance du royaume n’estoit point divertie ailleurs ; toutes nos forces furent jointes ensemble pour cet effet, et toute la France se trouva devant une place. Icy, au contraire, il nous a fallu reprendre celle-cy dans le fort d’une infinité d’autres affaires qui nous pressoient de tous costez, en un temps où il sembloit que cet Estât fust épuisé de toutes choses, et en une saison en laquelle, outre les hommes, nous avions encore le ciel à combatre. Et, au lieu que devant Amiens les Espagnols n’eurent une armée que cinq mois après le siège pour nous le faire lever, ils en avoient une" de quarante mille hommes à Corbie devant que celuy-cy fust commencé. Je m’asseure que, si cet événement ne vous fait pas devenir bon François, au moins il vous mettra en colère contre les Espagnols, et que vous aurez dépit de vous estre affectionné à des gens qui ont si peu de vigueur et qui se sçavent si mal