Page:Voiture - Lettres, t. 1, éd. Uzanne, 1880.djvu/267

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versé ce grand arbre de la maison d’Austriche, et s’il n’a pas esté ébranlé jusques aux racines, ce tronc qui de deux branches couvre le septentrion et le couchant, et qui donne de l’ombrage au reste de la terre. Il fut chercher jusques sous le pôle ce héros qui sembloit estre destiné à y mettre le fer et à l’abbatre. Il fut l’esprit meslé à ce foudre, qui a remply l’Allemagne de feu et d’éclairs, et dont le bruit a esté entendu par tout le monde. Mais, quand cet orage fut dissipé et que la fortune en eut destourné le coup, s’arresta-t-il pour cela, et ne mit-il pas encore une fois l’Empire en plus grand hazard qu’il n’avoit esté par les pertes de la bataille de Leipsic et de celle de Lutzen ? Son adresse et ses pratiques nous firent avoir tout d’un coup une armée de quarante mille hommes dans le cœur de l’Allemagne, avec un chef qui avoit toutes les qualitez qu’il faut pour faire un changement dans un Estât. Que si le roy de Suéde s’est jette dans le péril plus avant que ne devoit un homme de ses desseins et de sa condition, et si le duc de Fridlandt, pour trop différer son entreprise, l’a laissée descouvrir, pouvoit-il charmer la balle qui a tué celuy-là au milieu de sa victoire, ou rendre celuy-cy impénétrable aux coups de pertuisane ? Que si en suite de tout cela, pour achever de perdre toutes choses, les chefs qui commandoient l’armée de nos alliés devant Norlinghen donnèrent la bataille à contre-temps, estoit-il au pouvoir de monsieur le cardinal, estant à deux cens lieues de là, de changer ce conseil et d’arrester la précipitation de