Page:Voizard - Etude sur la langue de Montaigne, 1885.djvu/48

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

idée de ce qu’il entendait de l’orthographe ; d’ailleurs en écrivant simplement comme l’on parle, il n’a fait que suivre l’usage adopté par la plupart de ses contemporains, ceux du moins qui se tenaient à l’écart des systèmes plus ou moins fantaisistes qu’a vus éclore le xvie siècle, et une édition définitive des Essais doit se conformer aux principes orthographiques qui semblent avoir eu les préférences de leur auteur.

Voici, en résumé, et avec toutes les fluctuations de l’époque, la manière dont sont communément écrits les mots dans l’édition de 1588 ; cette manière diffère, en quelques points, de celle qui a été exposée plus haut à propos des lettres et des notes manuscrites, surtout de celles écrites par l’auteur, soit en marge, soit au travers de l’édition de Bordeaux, dont voici quelques exemples :

Livre Ier, chap. v.

Page 7, de l’édition de Bordeaux. — Les concei- du Sénat memoratifs des meurs de leurs peres accusarent cette pratique come enemie de leur stile antien : qui fut, disoint-ils, combatre de vertu non de finesse : ny par surprinses et rencontres de nuict : ny par fuites, apostees, et recharges inopinées : n’entreprenant guerre qu’apres l’avoir denoncee, et souvant apres avoir assigné l’heure et le lieu de la bataille. De cette cosciance, ils renvoiarent a Pyrrus son trahistre medcin, et aus Falisq (COUPÉ) leur mescbant maistre d’escolle. C’estoint les formes vraiemant Romeines, non de la Grecque subtilité et astuce punique, ou le veincre par force est moins glorieus que par fraude. Se tromper peut servir pour leçon mais celuy sul se tient pour surmonte qui sçait l’avoir este ny par ruse ny de force mais par vaillance, de trope a trope, an une loyalle et juste guerre.

Appert bien par le langage de ces bones gens qu’ils u’avoint encores receu cette belle sentance.

P. S, de l’édition de Bordeaux. — Et a tousiours este conseil hasardeus de fier a la licence d’un’ armée victorieuse l’observation de la foi qu’on a donee a une ville qui vient de se rendre par douce et favorable composition, et d’en laisser sur la chaude l’entrée libre aus soldats. L. Æmylius Regillus praetur Romein aiant perdu son temps a essaier de prandre la ville de Phocæes et a force, pour la singulière prouesse des habitans a se bien deffandre, fit pache aveq eus (marché est effacé par Montaigne) de les recevoir pour amis du peuple Romein, et d’y entrer come en ville cofederee leur ostant toute creinte d’action hostile. Mais y aiant quand et luy introduit son armée, pour s’y faire voir eu plus de pompe, il ne fut en sa puissance, quelque effort qu’il y emploiat, de tenir la (main effacé) bride a ses gens : et vid davant ses gens fourrager bone partie de la ville ; les droits de l’avarice et de la