de la nature. Prenant ses plaisirs pour des crimes, ses souffrances pour des expiations, il voulut aimer la douleur, abjurer l’amour de soi-même ; il persécuta ses sens, détesta sa vie ; et une morale abnégative et antisociale plongea les nations dans l’inertie de la mort.
Mais parce que la nature prévoyante avait doué le cœur de l’homme d’un espoir inépuisable, voyant le bonheur tromper ses désirs sur cette terre, il le poursuivit dans un autre monde : par une douce illusion, il se fit une autre patrie, un asile où, loin des tyrans, il reprît les droits de son être ; de là résulta un nouveau désordre : épris d’un monde imaginaire, l’homme méprisa celui de la nature ; pour des espérances chimériques, il négligea la réalité. Sa vie ne fut plus à ses yeux qu’un voyage fatigant, qu’un songe pénible ; son corps qu’une prison, obstacle à sa félicité ; et la terre un lieu d’exil et de pèlerinage, qu’il ne daigna plus cultiver. Alors une oisiveté sacrée s’établit dans le monde politique ; les campagnes se désertèrent ; les friches se multiplièrent, les empires se dépeuplèrent, les monuments furent négligés ; et de toutes parts l’ignorance, la superstition, le fanatisme, joignant leurs effets, multiplièrent les dévastations et les ruines.
Ainsi, agités par leurs propres passions, les hommes en masse ou en individus, toujours avides et imprévoyants, passant de l’esclavage à la ty-