Page:Volney - Œuvres choisies, Lebigre, 1836.djvu/242

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
178
LES RUINES.

même du langage et le mécanisme de l’esprit. On disait, par une métaphore naturelle : « Le taureau répand sur la terre les germes de la fécondité (au printemps) ; il ramène l’abondance et la création des plantes (qui nourrissent). L’agneau (ou bélier) délivre les cieux des génies malfaisants de l’hiver ; il sauve le monde du serpent (emblème de l’humide saison), et il ramène le règne du bien (de l’été, saison de toute jouissance). Le scorpion verse son venin sur la terre, et répand les maladies et la mort, etc ; et ainsi de tous les effets semblables. »

« Ce langage, compris de tout le monde, subsista d’abord sans inconvénient ; mais, par le laps du temps, lorsque le calendrier eut été réglé, le peuple, qui n’eut plus besoin de l’observation du ciel, perdit de vue le motif de ces expressions ; et leur allégorie, restée dans l’usage de la vie, y devint un écueil fatal à l’entendement et à la raison. Habitué à joindre aux symboles les idées de leurs modèles, l’esprit finit par les confondre : alors, ces mêmes animaux, que la pensée avait transportés aux cieux, en redescendirent sur la terre ; mais dans ce retour, vêtus des livrées des astres, ils s’en arrogèrent les attributs, et ils en imposèrent à leurs propres auteurs. Alors le peuple, croyant voir près de lui ses dieux, leur adressa plus facilement sa prière ; il demanda au bélier de son troupeau les influences qu’il atten-