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LES RUINES.

subjuguait d’opulentes cités, et dépouillait les palais des rois et les temples des dieux ; c’était le Perse, adorateur du feu, qui recueillait les tributs de cent nations ; c’étaient les habitants de cette ville même, adorateurs des astres, qui élevaient tant de monuments de prospérité et de luxe… Troupeaux nombreux, champs fertiles, moissons abondantes, tout ce qui devrait être le prix de la piété, était aux mains de ces idolâtres ; et maintenant que des peuples croyants et saints occupent ces campagnes, ce n’est plus que solitude et stérilité. La terre, sous ces mains bénites, ne produit que des ronces et des absinthes. L’homme sème dans les angoisses, et ne recueille que des larmes et des soucis : la guerre, la famine, la peste l’assaillent tour à tour… Cependant ne sont-ce pas là les enfants des prophètes ? Ce musulman, ce chrétien, ce juif, ne sont-ils pas les peuples élus du ciel, comblés de grâces et de miracles ? Pourquoi donc ces races privilégiées ne jouissent-elles plus des mêmes faveurs ? Pourquoi ces terres, sanctifiées par le sang des martyrs, sont-elles privées des bienfaits anciens ? Pourquoi en sont-ils comme bannis et transférés depuis tant de siècles à d’autres nations, en d’autres pays ?…

Et, à ces mots, mon esprit suivant le cours des vicissitudes qui ont tour à tour transmis le sceptre du monde à des peuples si différents de cultes et