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LES RUINES.

raisonnèrent en eux-mêmes, et se dirent : « Pourquoi consumer nos jours à chercher des fruits épars sur un sol avare ? Pourquoi nous épuiser à poursuivre des proies qui nous échappent dans l’onde et les bois ? Que ne rassemblons-nous sous notre main les animaux qui nous sustentent ? Que n’appliquons-nous nos soins à les multiplier et à les défendre ? Nous nous alimenterons de leurs produits, nous nous vêtirons de leurs dépouilles, et nous vivrons exempts des fatigues du jour et des soucis du lendemain. » Et les hommes, s’aidant l’un et l’autre, saisirent le chevreau léger, la brebis timide ; ils captivèrent le chameau patient, le taureau farouche, le cheval impétueux ; et s’applaudissant de leur industrie, ils s’assirent dans la joie de leur ame, et commencèrent de goûter le repos et l’aisance ; et l’amour de soi, principe de tout raisonnement, devint le moteur de tout art et de toute jouissance.

Alors que les hommes purent couler des jours dans de longs loisirs et dans la communication de leurs pensées, ils portèrent sur la terre, sur les cieux, et sur leur propre existence, des regards de curiosité et de réflexion ; ils remarquèrent le cours des saisons, l’action des éléments, les propriétés des fruits et des plantes, et ils appliquèrent leur esprit à multiplier leurs jouissances. Et dans quelques contrées, ayant observé que certaines semences contenaient sous un petit volume