Page:Volney - Les Ruines, 1826.djvu/107

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es forêts, manquant de tout, ignorans, féroces, stupides ? Les nations sont-elles encore toutes à ces tems où, sur le globe, l’œil ne voyait que des brigands brutes ou des brutes esclaves ? Si, dans un tems, dans un lieu, des individus sont devenus meilleurs, pourquoi la masse ne s’améliorerait-elle pas ? Si des sociétés partielles se sont perfectionnées,


pourquoi ne se perfectionnerait pas la société générale ? Et si les premiers obstacles sont franchis, pourquoi les autres seraient-ils insurmontables " ? Voudrais-tu penser que l’espèce va se détériorant ? Garde-toi de l’illusion et des paradoxes du misanthrope : l’homme mécontent du présent suppose au passé une perfection mensongère, qui n’est que le masque de son chagrin. Il loue les morts en haine des vivans, et bat les enfans avec les ossemens de leurs pères. Pour démontrer une prétendue perfection rétrograde, il faudrait démentir le témoignage des faits et de la raison ; et s’il reste aux faits passés de l’équivoque, il faudrait démentir le fait subsistant de l’organisation de l’homme ; il faudrait prouver qu’il naît avec un usage éclairé de ses sens ; qu’il sait, sans expérience, distinguer du poison l’aliment ; que l’enfant est plus sage que le vieillard ; l’aveugle plus assuré dans sa marche que le clairvoyant ; que l’homme civilisé est plus malheureux que l’anthropophage ; en un mot, qu’il n’existe pas d’échelle progressive d’expérience