Page:Volney - Les Ruines, 1826.djvu/106

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dis-je, le désespoir est descendu dans mon ame : en connaissant la nature de l’homme, la perversité de ceux qui gouvernent, l’avilissement de ceux qui sont gouvernés, m’ont dégoûté de la vie. Et quand il n’est de choix que d’être complice ou victime de l’oppression, que reste-t-il à l’homme vertueux, que de joindre sa cendre à celle des tombeaux ! Et le génie, gardant le silence, me fixa d’un regard sévère, mêlé de compassion ; et, après quelques instans, il reprit : " ainsi, c’est à mourir que la vertu réside ! L’homme pervers est infatigable à consommer le crime ; et


l’homme juste se rebute au premier obstacle à faire le bien !… mais tel est le cœur humain : un succès l’enivre de confiance ; un revers l’abat et le consterne : toujours entier à la sensation du moment, il ne juge point des choses par leur nature, mais par l’élan de sa passion : homme qui désespères du genre humain, sur quel calcul profond de faits et de raisonnemens as-tu établi ta sentence ? As-tu scruté l’organisation de l’être sensible, pour déterminer avec précision si les mobiles qui le portent au bonheur sont essentiellement plus faibles que ceux qui l’en repoussent ? Ou bien, embrassant d’un coup d’ œil l’histoire de l’espèce, et jugeant du futur par l’exemple du passé, as-tu constaté que tout progrès lui est impossible ? Réponds ! Depuis leur origine, les sociétés n’ont-elles fait aucun pas vers l’instruction et un meilleur sort ? Les hommes sont-ils encore dans l