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Page:Volney - Les Ruines, 1826.djvu/117

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vit dans la barbarie de ses aïeux. L’arabe, doué d’un génie heureux, perd sa force et le fruit de sa vertu dans l’anarchie de ses tribus, et la jalousie de ses familles. L’africain, dégradé de la condition d’homme, semble voué sans retour à la servitude. Dans le nord, je ne vois que des serfs avilis, que des peuples troupeaux, dont se jouent de grands propriétaires. Par tout, l’ignorance, la tyrannie, la misère, ont frappé de stupeur les nations ; et des habitudes vicieuses dépravant les sens naturels, ont détruit jusqu’à l’instinct du bonheur et de la vérité : il est vrai que dans quelques contrées de l’Europe, la raison a commencé de prendre un premier essor ; mais là même, les lumières des particuliers sont-elles communes aux nations ? L’habileté des gouvernemens a-t-elle tourné à l’avantage des peuples ? Et ces peuples, qui se disent policés, ne sont-ils pas ceux qui, depuis trois siècles, remplissent


la terre de leurs injustices ? N’est-ce pas eux qui, sous des prétextes de commerce, ont dévasté l’Inde, dépeuplé un nouveau continent, et soumettent encore aujourd’hui l’Afrique au plus barbar des esclavages ? La liberté naîtra-t-elle du sein des tyrans ? Et la justice era-t-elle rendue par des mains spoliatrices et avares ? ô génie, j’ai vu les pays civilisés ; et l’illusion de leur sagesse s’est dissipée devant mes regards. J’ai vu les richesses entassées dans quelques mains, et la multitude pauvre et dénuée. J’ai vu tous les droits, tous les pouvoirs concentrés dans certaines