blasphême. Ainsi l’homme, dans son aveuglement, rivant sur lui-même ses fers, s’est à jamais livré sans défense au jeu de son ignorance et de ses passions. Pour dissoudre des entraves si fatales, il faudrait un concours inoui d’heureuses circonstances. Il faudrait qu’une nation entière, guérie du délire de la superstition, fût inaccessible aux impulsions du fanatisme ; qu’affranchi du joug d’une fausse doctrine, un peuple s’imposât lui-même celui de la vraie morale et de la raison ; qu’il fût à la fois hardi et prudent, instruit et docile ; que chaque individu connaissant ses droits, n’en
transgressât pas la limite ; que le pauvre sût
résister à la séduction ; le riche à l’avarice : qu’il
se trouvât des chefs désintéressés et justes ; que
les tyrans fussent saisis d’un esprit de démence
et de vertige ; que le peuple, recouvrant ses
pouvoirs, sentît qu’il ne les peut exercer, et qu’il
se constituât des organes ; que, créateur de ses
magistrats, il sût à la fois les censurer et les
respecter ; que, dans la réforme subite de toute
une nation vivant d’abus, chaque individu disloqué
souffrît patiemment les privations et le changement
de ses habitudes ; que cette nation, enfin, fût
assez courageuse pour conquérir sa liberté, assez
instruite pour l’affermir, assez puissante pour la
défendre, assez généreuse pour la partager : et tant
de conditions pourront-elles jamais se rassembler ?
Et lorsqu’en ses combinaisons infinies, le sort
produirait enfin celle-là, en verrais-je les jours
fortunés ? Et ma cendre