rônes des despotes ; et ces révolutions furent rapides et faciles, parce que la politique des tyrans avait amolli les sujets, rasé les forteresses, détruit les guerriers ; et parce que les sujets accablés restaient sans intérêt personnel, et les soldats mercenaires, sans courage. Et des hordes barbares ayant réduit des nations entières à l’état d’esclavage, il arriva que les empires formés d’un peuple conquérant et d’un peuple conquis, réunirent en leur sein deux classes essentiellement opposées et ennemies. Tous les principes de la société furent dissous : il n’y eut plus ni intérêt commun, ni esprit public ; et il s’établit une distinction de castes
et de races, qui réduisit en système régulier le
maintien du désordre ; et selon que l’on naquit
d’un certain sang, l’on naquit serf ou tyran,
meuble ou propriétaire.
Et les oppresseurs étant moins nombreux que les
opprimés, il fallut, pour soutenir ce faux équilibre,
perfectionner la science de l’oppression.
L’art de gouverner ne fut plus que celui
d’assujétir au plus petit nombre le plus grand.
Pour obtenir une obéissance si contraire à
l’instinct, il fallut établir des peines plus
sévères ; et la cruauté des lois rendit les moeurs
atroces. Et la distinction des personnes
établissant dans l’état deux codes, deux justices,
deux droits, le peuple, placé entre le penchant de
son cœur et le serment de sa bouche, eut deux
consciences contradictoires ; et les idées du juste
et de l’injuste