leur fortune, alors qu’idolâtres, peu nombreux et pauvres, ils vinrent des déserts tartares camper dans ces riches contrées ; demandez si ce fut par l’islamisme, jusque-là méconnu par eux, qu’ils vainquirent les grecs, les arabes ; ou si ce fut par le courage, la prudence, la modération, l’esprit d’union, vraies puissances de l’état social. Alors le sultan lui-même
rendait la justice et veillait à la discipline ;
alors étaient punis le juge prévaricateur, le
gouverneur concussionnaire ; et la multitude vivait
dans l’aisance : le cultivateur était garanti des
rapines du janissaire, et les campagnes prospéraient ;
les routes publiques étaient assurées, et le
commerce répandait l’abondance. Vous étiez des
brigands ligués ; mais entre vous, vous étiez
justes : vous subjuguiez les peuples ; mais vous
ne les opprimiez pas. Vexés par leurs princes,
ils préféraient d’être vos tributairs. Que
m’importe, disait le chrétien, que mon maître
aime ou brise les images, pourvu qu’il me rende
justice ? Dieu jugera sa doctrine aux cieux.
Vous étiez sobres et endurcis ; vos ennemis étaient
énervés et lâches : vous étiez savans dans l’art des
combats ; vos ennemis en avaient perdu les
principes ; vos chefs étaient expérimentés ; vos
soldats aguerris, dociles : le butin excitait
l’ardeur ; la bravoure était récompensée ; la
lâcheté, l’indiscipline punies ; et tous les ressorts
du cœur humain étaient en activité : ainsi vous
vainquîtes cent nations ; et d’une foule de
royaumes conquis vous fondâtes un immense empire.