Page:Voltaire - Œuvres complètes, Beuchot, Tome 33, 1829.djvu/307

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été volé par sa femme, battu par son fils, et abandonné de sa fille, qui s’était fait enlever par un Portugais. Il venait d’être privé d’un petit emploi duquel il subsistait ; et les prédicants de Surinam le persécutaient, parcequ’ils le prenaient pour un socinien. Il faut avouer que les autres étaient pour le moins aussi malheureux que lui ; mais Candide espérait que le savant le désennuierait dans le voyage. Tous ses autres rivaux trouvèrent que Candide leur faisait une grande injustice ; mais il les apaisa en leur donnant à chacun cent piastres.


Ce qui arriva sur mer à Candide et à Martin.


Le vieux savant, qui s’appelait Martin, s’embarqua donc pour Bordeaux avec Candide. L’un et l’autre avaient beaucoup vu et beaucoup souffert ; et quand le vaisseau aurait dû faire voile de Surinam au Japon par le cap de Bonne-Espérance, ils auraient eu de quoi s’entretenir du mal moral et du mal physique pendant tout le voyage.

Cependant Candide avait un grand avantage sur Martin, c’est qu’il espérait toujours revoir mademoiselle Cunégonde, et que Martin n’avait rien à espérer ; de plus il avait de l’or et des diamants ; et, quoiqu’il eût perdu cent gros moutons rouges chargés des plus grands trésors de la terre, quoiqu’il eût toujours sur le cœur la friponnerie du patron hollandais ; cependant