Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome04.djvu/113

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De quoi fléchir encor ce tyran des humains.
Cette jeune Palmire en ses camps élevée,
Dans vos derniers combats par vous-même enlevée,
Semble un ange de paix descendu parmi nous,
Qui peut de Mahomet apaiser le courroux.
Déjà par ses hérauts il l’a redemandée.

Zopire.

Tu veux qu’à ce barbare elle soit accordée ?
Tu veux que d’un si cher et si noble trésor
Ses criminelles mains s’enrichissent encor ?
Quoi ! Lorsqu’il nous apporte et la fraude et la guerre,
Lorsque son bras enchaîne et ravage la terre,
Les plus tendres appas brigueront sa faveur,
Et la beauté sera le prix de la fureur !
Ce n’est pas qu’à mon âge, aux bornes de ma vie,
Je porte à Mahomet une honteuse envie ;
Ce cœur triste et flétri, que les ans ont glacé,
Ne peut sentir les feux d’un désir insensé.
Mais soit qu’en tous les temps un objet né pour plaire
Arrache de nos vœux l’hommage involontaire ;
Soit que, privé d’enfants, je cherche à dissiper
Cette nuit de douleurs qui vient m’envelopper ;
Je ne sais quel penchant pour cette infortunée
Remplit le vide affreux de mon âme étonnée.
Soit faiblesse ou raison, je ne puis sans horreur
La voir aux mains d’un monstre, artisan de l’erreur.
Je voudrais qu’à mes vœux heureusement docile,
Elle-même en secret pût chérir cet asile ;
Je voudrais que son cœur, sensible à mes bienfaits,
Détestât Mahomet autant que je le hais.
Elle veut me parler sous ces sacrés portiques,
Non loin de cet autel de nos dieux domestiques ;
Elle vient, et son front, siége de la candeur,
Annonce en rougissant les vertus de son cœur.


Scène II.

ZOPIRE, PALMIRE.
Zopire.

Jeune et charmant objet dont le sort de la guerre,
Propice à ma vieillesse, honora cette terre,