Vous n’êtes point tombée en de barbares mains ;
Tout respecte avec moi vos malheureux destins,
Votre âge, vos beautés, votre aimable innocence.
Parlez ; et s’il me reste encor quelque puissance,
De vos justes désirs si je remplis les vœux,
Ces derniers de mes jours seront des jours heureux.
Seigneur, depuis deux mois sous vos lois prisonnière,
Je dus à mes destins pardonner ma misère ;
Vos généreuses mains s’empressent d’effacer
Les larmes que le ciel me condamne à verser.
Par vous, par vos bienfaits, à parler enhardie,
C’est de vous que j’attends le bonheur de ma vie.
Aux vœux de Mahomet j’ose ajouter les miens :
Il vous a demandé de briser mes liens ;
Puissiez-vous l’écouter ! Et puissé-je lui dire
Qu’après le ciel et lui je dois tout à Zopire !
Ainsi de Mahomet vous regrettez les fers,
Ce tumulte des camps, ces horreurs des déserts,
Cette patrie errante, au trouble abandonnée ?
La patrie est aux lieux où l’âme est enchaînée.
Mahomet a formé mes premiers sentiments,
Et ses femmes en paix guidaient mes faibles ans :
Leur demeure est un temple où ces femmes sacrées
Lèvent au ciel des mains de leur maître adorées.
Le jour de mon malheur, hélas ! fut le seul jour
Où le sort des combats a troublé leur séjour :
Seigneur, ayez pitié d’une âme déchirée,
Toujours présente aux lieux dont je suis séparée.
J’entends : vous espérez partager quelque jour
De ce maître orgueilleux et la main et l’amour.
Seigneur, je le révère, et mon âme tremblante
Croit voir dans Mahomet un dieu qui m’épouvante.
Non, d’un si grand hymen mon cœur n’est point flatté ;
Tant d’éclat convient mal à tant d’obscurité.
Ah ! Qui que vous soyez, il n’est point né peut-être
Pour être votre époux, encor moins votre maître ;