Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome04.djvu/161

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Tu sais que dans son sang ses mains ont fait couler
Le poison qu’en sa coupe on avait su mêler.
Le châtiment sur lui tombait avant le crime ;
Et tandis qu’à l’autel il traînait sa victime,
Tandis qu’au sein d’un père il enfonçait son bras,
Dans ses veines, lui-même, il portait son trépas.
Il est dans la prison, et bientôt il expire.
Cependant en ces lieux j’ai fait garder Palmire.
Palmire à tes desseins va même encor servir :
Croyant sauver Séide, elle va t’obéir.
Je lui fais espérer la grâce de Séide.
Le silence est encor sur sa bouche timide ;
Son cœur toujours docile, et fait pour t’adorer,
En secret seulement n’osera murmurer.
Législateur, prophète, et roi dans ta patrie,
Palmire achèvera le bonheur de ta vie.
Tremblante, inanimée, on l’amène à tes yeux.

Mahomet.

Va rassembler mes chefs, et revole en ces lieux.


Scène II.

MAHOMET, PALMIRE ; suite de Palmire et de Mahomet.
Palmire.

Ciel ! où suis-je ? ah, grand Dieu !

Mahomet.

Ciel ! où suis-je ? ah, grand Dieu !Soyez moins consternée ;
J’ai du peuple et de vous pesé la destinée,
Le grand événement qui vous remplit d’effroi,
Palmire, est un mystère entre le ciel et moi.
De vos indignes fers à jamais dégagée,
Vous êtes en ces lieux libre, heureuse, et vengée.
Ne pleurez point Séide, et laissez à mes mains
Le soin de balancer le destin des humains.
Ne songez plus qu’au vôtre ; et si vous m’êtes chère,
Si Mahomet sur vous jeta des yeux de père,
Sachez qu’un sort plus noble, un titre encor plus grand,
Si vous le méritez, peut-être vous attend.