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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome04.djvu/166

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Je me vois arracher le seul prix de mon crime.
De ses jours pleins d’appas détestable ennemi,
Vainqueur et tout-puissant, c’est moi qui suis puni.
Il est donc des remords[1] ! ô fureur ! ô justice !
Mes forfaits dans mon cœur ont donc mis mon supplice !
Dieu, que j’ai fait servir au malheur des humains,
Adorable instrument de mes affreux desseins,
Toi que j’ai blasphémé, mais que je crains encore,
Je me sens condamné, quand l’univers m’adore.
Je brave en vain les traits dont je me sens frapper.
J’ai trompé les mortels, et ne puis me tromper.
Père, enfants malheureux, immolés à ma rage,
Vengez la terre et vous, et le ciel que j’outrage.
Arrachez-moi ce jour, et ce perfide cœur,
Ce cœur né pour haïr, qui brûle avec fureur.

(À Omar.)

Et toi, de tant de honte étouffe la mémoire ;
Cache au moins ma faiblesse, et sauve encor ma gloire :
Je dois régir en dieu l’univers prévenu ;
Mon empire est détruit si l’homme est reconnu.


FIN DU FANATISME.
  1. Lekain a rendu cet hémistiche célèbre. C’était un de ses plus beaux moments. (G. A.)