Narbas est inconnu ; le sort dans ces climats
Dérobe à tous les yeux la trace de ses pas.
Hélas ! Narbas n’est plus ; j’ai tout perdu sans doute.
Vous croyez tous les maux que votre âme redoute ;
Peut-être, sur les bruits de cette heureuse paix,
Narbas ramène un fils si cher à nos souhaits.
Peut-être sa tendresse, éclairée et discrète,
À caché son voyage ainsi que sa retraite :
Il veille sur Égisthe ; il craint ces assassins
Qui du roi votre époux ont tranché les destins.
De leurs affreux complots il faut tromper la rage.
Autant que je l’ai pu j’assure son passage,
Et j’ai sur ces chemins de carnage abreuvés
Des yeux toujours ouverts, et des bras éprouvés.
Dans ta fidélité j’ai mis ma confiance.
Hélas ! Que peut pour vous ma triste vigilance ?
On va donner son trône : en vain ma faible voix
Du sang qui le fit naître a fait parler les droits ;
L’injustice triomphe, et ce peuple, à sa honte,
Au mépris de nos lois, penche vers Polyphonte.
Et le sort jusque-là pourrait nous avilir !
Mon fils dans ses états reviendrait pour servir !
Il verrait son sujet au rang de ses ancêtres !
Le sang de Jupiter aurait ici des maîtres !
Je n’ai donc plus d’amis ? Le nom de mon époux,
Insensibles sujets, a donc péri pour vous ?
Vous avez oublié ses bienfaits et sa gloire !
Le nom de votre époux est cher à leur mémoire :
On regrette Cresphonte, on le pleure, on vous plaint ;
Mais la force l’emporte, et Polyphonte est craint.
Ainsi donc par mon peuple en tout temps accablée,
Je verrai la justice à la brigue immolée ;
Et le vil intérêt, cet arbitre du sort,
Vend toujours le plus faible aux crimes du plus fort.