Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome04.djvu/218

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Polycléte est son nom[1] ; mais Égisthe, Narbas,
Ceux dont vous me parlez, je ne les connais pas.

Mérope 

Ô dieux ! Vous vous jouez d'une triste mortelle !
J'avais de quelque espoir une faible étincelle ;
J'entrevoyais le jour, et mes yeux affligés
Dans la profonde nuit sont déjà replongés.
Et quel rang vos parents tiennent-ils dans la Grèce ?

Égisthe 

Si la vertu suffit pour faire la noblesse,
Ceux dont je tiens le jour, Polyclète, Sirris,
Ne sont pas des mortels dignes de vos mépris :
Leur sort les avilit ; mais leur sage constance
Fait respecter en eux l'honorable indigence.
Sous ses rustiques toits mon père vertueux
Fait le bien, suit les lois, et ne craint que les dieux.

Mérope

Chaque mot qu'il me dit est plein de nouveaux charmes.
Pourquoi donc le quitter ? Pourquoi causer ses larmes ?
Sans doute il est affreux d'être privé d'un fils.

Égisthe

Un vain désir de gloire a séduit mes esprits.
On me parlait souvent des troubles de Messène,
Des malheurs dont le ciel avait frappé la reine,
Surtout de ses vertus, dignes d'un autre prix :
Je me sentais ému par ces tristes récits.  
De l'Élide en secret, dédaignant la mollesse,
J'ai voulu dans la guerre exercer ma jeunesse,
Servir sous vos drapeaux, et vous offrir mon bras ;
Voilà le seul dessein qui conduisit mes pas.
Ce faux instinct de gloire égara mon courage : 
À mes parents, flétris sous les rides de l'âge,
J'ai de mes jeunes ans dérobé les secours ;
C'est ma première faute ; elle a troublé mes jours :
Le ciel m'en a puni, le ciel inexorable
M'a conduit dans le piége, et m'a rendu coupable.

  1. « Vraiment, il est singulier, habille le critique allemand, que nous n'entendions pas sortir un autre nom de la bouche de cet Égisthe qui ne s’appelle pas Égisthe. Après avoir nommé son père Polyclète, l’inconnu devait ajouter qu'il se nomme lui-même tel ou tel; car il doit avoir un nom, et M. de Voltaire lui en aurait bien trouvé un, lui qui à trouvé tant de choses. » Tout cela n’est pas sérieux. (G. A.)