Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome04.djvu/254

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Isménie

Ah ! Laissez-moi reprendre et la vie et la voix.

Narbas 

Mon fils est-il vivant ? Que devient notre reine ?

Isménie

De mon saisissement je reviens avec peine ;
Par les flots de ce peuple entraînée en ces lieux...

Narbas

Que fait Égisthe ?

Isménie

Il est... le digne fils des dieux ;
Égisthe ! Il a frappé le coup le plus terrible.
Non, d'Alcide jamais la valeur invincible
N'a d'un exploit si rare étonné les humains.

Narbas

Ô mon fils ! ô mon roi, qu'ont élevé mes mains !

Isménie

La victime était prête, et de fleurs couronnée[1] ;
L'autel étincelait des flambeaux d'hyménée ;  
Polyphonte, l'oeil fixe, et d'un front inhumain,
Présentait à Mérope une odieuse main ;
Le prêtre prononçait les paroles sacrées ;
Et la reine, au milieu des femmes éplorées,
S'avançant tristement, tremblante entre mes bras,  
Au lieu de l'hyménée invoquait le trépas ;
Le peuple observait tout dans un profond silence.
Dans l'enceinte sacrée en ce moment s'avance
Un jeune homme, un héros, semblable aux immortels :
Il court ; c'était Égisthe ; il s'élance aux autels ;  
Il monte, il y saisit d'une main assurée
Pour les fêtes des dieux la hache préparée.
Les éclairs sont moins prompts ; je l'ai vu de mes yeux,
Je l'ai vu qui frappait ce monstre audacieux.
« Meurs, tyran, disait-il ; dieux, prenez vos victimes. » 
Érox, qui de son maître a servi tous les crimes,
Érox, qui dans son sang voit ce monstre nager,
Lève une main hardie, et pense le venger.
Égisthe se retourne, enflammé de furie ;

  1. Ce morceau se trouve dans tous les cours de littérature (G. A.) - Ce récit et le discours de Mérope sont une imitation trèse-embellie de Maffei acte V, scène VI.