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ZULIME.

ramire.

L’honneur. Crois-tu qu’il soit permis
D’être injuste, infidèle, et traître à ses amis ?

idamore.

Non, sans doute, seigneur, et ce crime est infâme.

ramire.

Est-il donc plus permis de trahir une femme.
De la conduire au piège, et de l’abandonner ?

idamore.

Un plus grand intérêt doit vous déterminer.
Voudriez-vous livrer à l’horreur des supplices
Ceux qui vous ont voué leur vie et leurs services ?
Entre Zulime et nous il est temps de choisir.

ramire.

Eh bien ! qui de vous tous me faut-il donc trahir ?
Faut-il que, malgré nous, il soit des conjonctures
Où le cœur égaré flotte entre les parjures ?
Où la vertu sans force, et prête à succomber.
Ne voit que des écueils, et tremble d’y tomber ?
Tu sais ce que pour nous Zulime a daigné faire ;
Elle renonce à tout, à son trône, à son père,
A sa gloire, en un mot ; il faut en convenir.
Armé de ses bienfaits, moi, j’irais l’en punir !
C’est trop rougir de moi : plains ma douleur mortelle.

idamore.

Rougissez de tarder, Valence vous appelle ;
Les moments sont bien chers ; et si vous hésitez…

ramire.

Non ; je vais m’expliquer, et lui dire...

idamore.

Arrêtez ;
Gardez-vous d’arracher un voile nécessaire :
Laissez-lui son erreur, cette erreur est trop chère.
Pour entraîner Zulime à ses égarements.
Vous n’employâtes point l’art trompeur des amants.
Sensible, généreuse, et sans expérience.
Elle a cru n’écouter que la reconnaissance ;
Elle ne savait pas qu’elle écoutait l’amour.
Tous vos soins empressés la perdaient sans retour ;
Dans son illusion nous l’avons confirmée :
Enfin elle vous aime, elle se croit aimée.
De quel jour odieux ses yeux seraient frappés !