Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome04.djvu/615

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Oh ! comme elle est changée ! elle, n’a plus, ma foi,
De quoi raccommoder ses fautes près de moi.

Madame Duru.

Quoi ! c’est vous, mon mari, mon cher époux !

Damis, Érise, Le Marquis, ensemble.

Quoi ! c’est vous, mon mari, mon cher époux !Mon père !

Madame Duru.

Daignez jeter, monsieur, un regard moins sévère
Sur moi, sur mes enfants, qui sont à vos genoux.

Le Marquis.

Oh ! pardon ; j’ignorais que vous fussiez chez vous.

M. Duru.

Ce matin…

Le Marquis.

Excusez, j’en fuis honteux dans l’âme.

Marthe.

Et qui vous aurait cru le mari de madame ?

Damis.

À vos pieds…

M. Duru.

À vos pieds…Fils indigne, apostat du barreau,
Malheureux marié, qui fais ici le beau,
Fripon ; c’est donc ainsi que ton père lui-même
S’est vu reçu de toi ? C’est ainsi que l’on m’aime.

M. Gripon.

C’est la force du sang.

Damis.

C’est la force du sang.Je ne fuis pas devin.

Madame Duru.

Pourquoi tant de courroux dans notre heureux dessin ?
Vous retrouvez ici toute votre famille ;
Un gendre, un fils bien-né, votre épouse, une fille.
Que voulez-vous de plus ? Faut-il après douze ans
Voir d’un œil de travers sa femme et ses enfants ?

M. Duru.

Vous n’êtes point ma femme ; elle était ménagère ;
Elle cousait, filait, faisait très maigre chère ;
Et n’eût point à mon bien porté le coup mortel
Par la main d’un filou, nommé maître d’hôtel ;
N’eût point joué, n’eût point ruiné ma famille,
Ni d’un maudit marquis ensorcelé ma fille ;
N’aurait pas à mon fils fait perdre son latin,