Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome04.djvu/616

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Et fait d’un avocat un pimpant aigrefin.
Perfide ! voilà donc la belle récompense
D’un travail de douze ans et de ma confiance !
Des soupers dans la nuit, à midi petit jour !
Auprès de votre lit un oisif de la cour !
Et portant en public le honteux étalage
Du rouge enluminé qui peint votre visage !  !
C’est ainsi qu’à profit vous placiez mon argent ?
Allons, de cet hôtel qu’on déniche à l’instant,
Et qu’on aille m’attendre à son second étage.

Damis.

Quel père !

Le Marquis.

Quel père !Quel beau-père !

Érise.

Quel père ! Quel beau-père !Eh ! bon Dieu quel langage !

Madame Duru.

Je puis avoir des torts, vous quelques préjugés :
Modérez-vous de grâce, écoutez et jugez.
Alors que la misère à tous deux fut commune,
Je me fis des vertus propres à ma fortune ;
D’élever vos enfants je pris sur moi les soins ;
Je me refusai tout pour leur laisser, du moins
Une éducation qui tînt lieu d’héritage.
Quand vous eûtes acquis, dans votre heureux voyage,
Un peu de bien commis à ma fidélité,
J’en fus placer le fonds, il est en sûreté.

M. Duru.

Oui

Madame Duru.

OuiVotre bien s’accrut ; il servit, en partie,
À nous donner à tous une plus douce vie.
Je voulus dans la robe élever votre fils ;
Il n’y parut pas propre, et je changeai d’avis.
De mon premier état je soutins l’indigence ;
Avec le même esprit j’use de l’abondance.
On doit compte au public de l’usage du bien,
Et qui l’ensevelit est mauvais citoyen ;
Il fait tort à l’État, il s’en fait à soi-même.
Faut-il, sur son comptoir, l’œil trouble et le teint blême,
Manquer du nécessaire, auprès d’un coffre-fort,
Pour avoir de quoi vivre un jour après sa mort ?