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COMMENTAIRE

tien, ni idolâtre. Nous ne croyons qu’un seul Dieu comme lui ; nous sommes circoncis comme lui, et nous ne regardons la Mecque comme une ville sainte que parce qu’elle l’était du temps même d’Ismaël, fils d’Abraham.

Dieu a certainement répandu ses bénédictions sur la race d’Ismaël, puisque sa religion est étendue dans presque toute l’Asie et dans presque toute l’Afrique, et que la race d’Isaac n’y a pas pu seulement conserver un pouce de terrain.

Il est vrai que notre religion est peut-être un peu mortifiante pour les sens ; Mahomet a réprimé la licence que se donnaient tous les princes de l’Asie d’avoir un nombre indéterminé d’épouses. Les princes de la secte abominable des Juifs avaient poussé cette licence plus loin que les autres : David avait dix-huit femmes ; Salomon, selon les Juifs, en avait jusqu’à sept cents ; notre prophète réduisit le nombre à quatre.

Il a défendu le vin et les liqueurs fortes, parce qu’elles dérangent l’âme et le corps, qu’elles causent des maladies, des querelles, et qu’il est bien plus aisé de s’abstenir tout à fait que de se contenir.

Ce qui rend surtout notre religion sainte et admirable, c’est qu’elle est la seule où l’aumône soit de droit étroit. Les autres religions conseillent d’être charitables ; mais, pour nous, nous l’ordonnons expressément, sous peine de damnation éternelle.

Notre religion est aussi la seule qui défende les jeux de hasard, sous les mêmes peines ; et c’est ce qui prouve bien la profonde sagesse de Mahomet. Il savait que le jeu rend les hommes incapables de travail, et qu’il transforme trop souvent la société en un assemblage de dupes et de fripons, etc.

(Il y a ici plusieurs lignes si blasphématoires que nous n’osons les copier. On peut les passer à un Turc ; mais une main chrétienne ne peut les transcrire.)

Si donc ce chrétien ci-présent veut abjurer sa secte idolâtre, et embrasser celle des victorieux musulmans, il n’a qu’à prononcer devant moi notre sainte, formule, et faire les prières et les ablutions prescrites. »

Lamira, m’ayant lu cet écrit, me dit : Monsieur le comte, ces Turcs ne sont pas si sots qu’on le dit à Vienne, à Rome, et à Paris… » Je lui répondis que je sentais un mouvement de grâce turque intérieur, et que ce mouvement consistait dans la ferme espérance de donner sur les oreilles au prince Eugène quand je commanderais quelques bataillons turcs.

Je prononçai mot à mot, d’après l’iman, la formule : Alla,