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HISTORIQUE.

d’une amitié constante jusqu’à sa mort. C’est pour elle qu’il écrivit, un an après, les Annales de l’Empire.

Pendant qu’il était à Gotha, Maupertuis eut tout le temps de dresser ses batteries contre le voyageur, qui s’en aperçut quand il fut à Francfort-sur-le-Mein. Mme  Denis, sa nièce, lui avait donné rendez-vous dans cette ville.

Un bon Allemand[1], qui n’aimait ni les Français ni leurs vers, vint le premier juin lui redemander les Œuvres de Poëshie du roi son maître. Notre voyageur répondit que les Œuvres de Poëshie étaient à Leipsick avec ses autres effets. L’Allemand lui signifia qu’il était consigné à Francfort, et qu’on ne lui permettrait d’en partir que quand les œuvres seraient arrivées. M. de Voltaire lui remit sa clef de chambellan et sa croix, et promit de lui rendre ce qu’on lui demandait ; moyennant quoi le messager lui signa ce billet.

« M…, sitôt le gros ballot de Leipsick sera ici, où est l’Œuvre de Poëshie du roi mon maître, vous pourrez partir où vous paraîtra bon. À Francfort, premier juin 1753, »

Le prisonnier signa au bas du billet : Bon pour l’Œuvre de Poëshie du roi votre maître.

Mais quand les vers revinrent, on supposa des lettres de change qui ne venaient point. Les voyageurs furent arrêtés quinze jours au cabaret du Bouc pour ces lettres de change prétendues. Cela[2] ressemblait à l’aventure de l’évêque de Valence, Cosnac, que M. de Louvois fit arrêter en chemin comme faux-monnayeur, à ce que l’abbé de Choisy raconte.

Enfin ils ne purent sortir qu’en payant une rançon très-considérable[3]. Ces détails ne sont jamais sus des rois.

  1. Freytag.
  2. La phrase qui termine cet alinéa ne se trouve dans aucune édition antérieure aux éditions de Kehl. (B.)
  3. Ce fut alors aussi que Voltaire signa la pièce que voici :

    Déclaration de M. de Voltaire au roi de Prusse, remise de sa main au ministre de Sa Majesté à Francfort, 1753.

    « Je suis mourant ; je proteste, devant Dieu et devant les hommes, que, n’étant plus au service de Sa Majesté le roi de Prusse, je ne lui suis pas moins attaché, au moins soumis à ses volontés pour le peu de temps que j’ai à vivre.

    Il m’arrête à Francfort pour le livre de ses poésies, dont il m’avait fait présent. Je reste en prison jusqu’à ce que le livre revienne de Hambourg. J’ai rendu au ministre de Sa Majesté prussienne à Francfort toutes les lettres que j’avais conservées de Sa Majesté, comme des marques chères des bontés dont elle m’avait honoré. Je rendrai à Paris toutes les autres lettres qu’elle pourra me redemander.

    Sa Majesté veut ravoir un contrat qu’elle avait daigné faire avec moi ; je