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HISTORIQUE.


de génie qui bordent à Paris le Pont-Neuf et le quai des Théatins. Elles se trouvent en très-grand nombre dans le vingt-troisième tome de cette édition de Lausanne. Tout ce fatras est fait pour les halles. Les éditeurs ont eu encore la bonté d’imprimer à la tête de ces platitudes dégoûtantes : Le tout revu et corrigé par l’auteur même, qui assurément n’en avait rien vu. Ce n’est pas ainsi que Robert Estienne imprimait. L’antique disette de livres était bien préférable à cette multitude accablante d’écrits qui inondent aujourd’hui Paris et Londres, et aux sonnets qui pleuvent dans l’Italie.

Quand on falsifia quelques-unes de ses lettres qu’on imprima en Hollande, sous le titre de Lettres secrètes[1], il parodia cette ancienne épigramme :

Voici donc mes lettres secrètes,
Si secrètes que pour lecteur
Elles n’ont que leur imprimeur,
Et ces messieurs qui les ont faites.

Nous voulons bien ne pas dire quel est le galant homme qui fit imprimer en 1766, à Amsterdam, sous le titre de Genève, les Lettres de M. de Voltaire à ses amis du Parnasse[2], avec des notes historiques et critiques. Cet éditeur compte parmi ces amis du Parnasse la reine de Suède, l’électeur Palatin, le roi de Pologne, le roi de Prusse. Voilà de bons amis intimes et un beau Parnasse. L’éditeur, non content de cette extrême impertinence, y ajouta, pour vendre son livre, la friponnerie dont La Beaumelle avait donné le premier exemple. Il falsifia quelques lettres qui avaient en effet couru, et entre autres une lettre sur les langues française et italienne, écrite en 1761 à M. Tovazzi Deodati[3], dans laquelle ce faussaire déchire, avec la plus plate grossièreté, les plus grands seigneurs de France. Heureusement il prêtait son style à l’auteur sous le nom duquel il écrivait pour le perdre. Il fait dire à M. de Voltaire que les dames de Versailles sont d’agréables commères, et que J.-J. Rousseau est leur toutou[4]. C’est ainsi qu’en France nous avons eu de puissants génies à deux sous la feuille, qui ont fait les lettres de Ninon, de Main-

  1. Voyez tome XXVI, page 135.
  2. Voyez, sur ces Lettres, l’Appel au public, tome XXV, page 579.
  3. Voyez tome XLI, page 166.
  4. Voyez une note, tome XXV, page 581.