Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome1.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
XX
XX
PRÉFACE GÉNÉRALE

Cette Correspondance formait près du quart de l’édition. Il n’en avait été publié qu’une très-petite partie. C’était un travail immense que de rassembler et de classer ce nombre prodigieux de lettres ; c’était faciliter la classification que de la diviser. Il y eut donc : 1° Correspondance générale, c’est-à-dire avec la foule de ses correspondants, 2° Correspondance du roi de Prusse, contenant les lettres du prince, et appendice pour les lettres de Voltaire aux princes de Prusse, et des princes à Voltaire ; 3° Correspondance de Catherine, contenant les lettres de l’impératrice, et appendice pour la correspondance avec divers souverains ; 4° Correspondance de d’Alembert, où sont aussi les lettres de d’Alembert.

Les fautes inséparables de l’humaine nature qui ont échappé aux éditeurs de Kehl, quelque graves qu’on les trouve ou qu’on les fasse, sont peu de chose dans un si vaste travail, et ne doivent pas diminuer la reconnaissance de la postérité.

Si quelques lettres sont mal classées, si parfois les passages de la même lettre ne sont pas tous de la même époque, c’est que Voltaire ne mettait pas toujours la date à ses lettres ; c’est que, dans l’impossibilité de se procurer tous les originaux, les éditeurs étaient obligés de s’en rapporter aux copies qui leur avaient été communiquées, qui de main en main devaient s’altérer, et dans lesquelles, de plusieurs lettres, on en avait fait une seule ; chose difficile alors d’imaginer, impossible aujourd’hui de ne pas reconnaître.

Les suppressions qu’ils ont faites dans quelques lettres leur étaient commandées par les égards que l’on doit aux vivants, comme dit Voltaire[1], ou par la prudence. Les parlements étaient tout-puissants, le parlement de Paris surtout, dont le ressort était si étendu. Au lieu de fermer les yeux, il eût sévi contre l’édition, si l’on n’en eût retranché quelques phrases bien violentes contre lui[2]. Il serait d’autant plus inconvenant de ma part de faire à ce sujet le moindre des reproches aux éditeurs de Kehl que c’est à feu Decroix, l’un d’eux, que je dois la communication des passages que j’ai rétablis en 1821, dans la correspondance de Voltaire et de d’Alembert (tome LXII de l’édition de M. Renouard).

Ils n’ont pas toujours pu se procurer les éditions originales de chacun des écrits de Voltaire, et ont ainsi répété des fautes qui, selon l’usage, se perpétuaient d’édition en édition, n’ayant pas été corrigées par l’auteur.

On ne peut qu’applaudir à la division des poésies, et des ouvrages en prose. Tous leurs successeurs s’y sont conformés, et même jusqu’à moi ont adopté leurs sous-divisions. J’expliquerai plus bas en quoi je m’en suis écarté. En faisant autrement, j’ai voulu faire mieux. Ce n’est pas moi qui puis dire si j’ai réussi.

  1. Voyez tome II, page 15. Les éditeurs de Kehl pouvaient-ils imprimer le nom de Ximenès (qui n’est mort qu’en 1817) dans les lettres à d’Argental des 10 et 12 septembre 1755 ; à Richelieu, du 27 septembre, etc. ?
  2. Par exemple, cette phrase de la lettre de d’Alembert, du 31 juillet 1762 : « Enfin, le 6 du mois prochain, la canaille parlementaire nous délivrera de la canaille jésuitique. »