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VIE DE VOLTAIRE.

Il croyait à la liberté dans le sens où un homme raisonnable peut y croire, c’est-à-dire qu’il croyait au pouvoir de résister à nos penchants, et de peser les motifs de nos actions.

Il resta dans une incertitude presque absolue sur la spiritualité, et même sur la permanence de l’âme après le corps ; mais, comme il croyait cette dernière opinion utile, de même que celle de l’existence de Dieu, il s’est permis rarement de montrer ses doutes, et a presque toujours plus insisté sur les preuves que sur les objections.

Tel fut Voltaire dans sa philosophie : et l’on trouvera peut-être en lisant sa vie qu’il a été plus admiré que connu ; que, malgré le fiel répandu dans quelques-uns de ses ouvrages polémiques, le sentiment d’une bonté active le dominait toujours ; qu’il aimait les malheureux plus qu’il ne haïssait ses ennemis ; que l’amour de la gloire ne fut jamais en lui qu’une passion subordonnée à la passion plus noble de l’humanité. Sans faste dans ses vertus, et sans dissimulation dans ses erreurs, dont l’aveu lui échappait avec franchise, mais qu’il ne publiait pas avec orgueil, il a existé peu d’hommes qui aient honoré leur vie par plus de bonnes actions, et qui l’aient souillée par moins d’hypocrisie. Enfin, on se souviendra qu’au milieu de sa gloire, après avoir illustré la scène française par tant de chefs-d’œuvre, lorsqu’il exerçait en Europe sur les esprits un empire qu’aucun homme n’avait jamais exercé sur les hommes, ce vers si touchant,

J’ai fait un peu de bien, c’est mon meilleur ouvrage[1],


était l’expression naïve du sentiment habituel qui remplissait son âme.

FIN DE LA VIE DE VOLTAIRE.
  1. Vers de Voltaire dans son Épître à Horace ; voyez tome X, page 443.