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DOCUMENTS BIOGRAPHIQUES.

comptes ; il demeurait à Paris lorsqu’il a été arrêté et conduit dans ce château, dans une maison de la rue de la Calandre, qui a pour enseigne le Panier vert, et tenue en chambre garnie par le nommé Moreau…

Il est revenu de Saint-Ange[1] quelques jours après Pâques, après y avoir passé environ deux mois…

Il y avait beaucoup de personnes, mais il n’y en connaît aucune, à la réserve du sieur d’Argenteuil, qu’il croit originaire de Champagne. Il ne se souvient pas d’y avoir vu que quelques laquais qui venaient lui apporter des lettres de leurs maîtres ou de leurs maîtresses, à la réserve de l’abbé de Boissy[2], qu’il connaît pour un jeune homme qui fait des vers. Ne se souvient pas de lui avoir demandé si l’on ne disait rien de nouveau, quoique cela puisse fort bien être. Il est vrai qu’il a vu un capitaine ou un officier qui s’appelle M. de Solenne de Beauregard[3], auquel il demanda s’il n’y avait rien de nouveau, et il n’y avait pas plus de quatre ou cinq jours que lui, répondant, était revenu de Saint-Ange. Ajoute qu’il demanda en effet à cet officier s’il n’y avait rien de nouveau. À quoi l’officier répondit en ces termes : « On dit d’étranges choses, et on parle d’une inscription latine commençant par ces mots : Puero regnante… » Beauregard lui montra sur ses tablettes une partie de ladite inscription, et demanda s’il n’était point l’auteur de cette inscription ; à quoi il repartit qu’il était bien malheureux si on le soupçonnait de pareilles horreurs, qu’il y avait déjà longtemps qu’on mettait sur son compte toutes les infamies en vers et en prose qui courent la ville, mais que tous ceux qui le connaissent savent bien qu’il est incapable de pareils crimes. Ajoute encore de soi qu’il demanda au sieur de Beauregard comment il avait eu connaissance de cette partie d’inscription qu’il lut, à la vérité, sur les tablettes de cet officier telle qu’elle y était écrite, lui faisant néanmoins entendre qu’elle était tronquée. À quoi de Beauregard répondit, autant qu’il peut s’en souvenir, que cette inscription lui avait été donnée par le sieur Dancourt, comédien, mais se souvient distinctement qu’il dit à Beauregard qu’il était bien trompé si cette inscription n’était ancienne, et faite du temps de Catherine de Médicis[4] ; ne sait pourtant pas bien précisément si ce ne fut point audit abbé de Boissy qu’il tint ce discours.

  1. Château situé aux environs de Fontainebleau, et qui appartenait à M. de Caumartin.
  2. Louis de Boissy, né en 1694 à Vie en Auvergne, mort en 1758 ; il portait alors le petit collet. Il fut plus tard directeur du Mercure et membre de l’Académie française.
  3. Cet officier avait adressé au lieutenant général de police un rapport où il avançait que Voltaire s’était vanté d’avoir composé l’inscription et les vers incriminés. Ce rapport est plus haut, page 297.
  4. L’explication de Voltaire est ingénieuse, mais il aurait fallu, s’il s’était agi de la reine Catherine, qu’il y eût eu, dans l’inscription latine :

     Veneno et incestis famosa
              Administrante,


    et tout le monde avait lu famoso.