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DOCUMENTS BIOGRAPHIQUES.

Le premier de son siècle, il l’eût encore été
Au siècle de Léon, d’Auguste et d’Alexandre ?


Est-ce parce que jamais personne n’occupa comme lui l’univers pendant soixante ans de sa gloire et de ses travaux ? parce que personne n’eut jamais comme lui l’art de réveiller sans cesse l’intérêt, la curiosité, l’admiration publique ? Tout cela peut être vrai, parfaitement vrai ; je n’en suis pas moins persuadé que M. de Voltaire lui-même, toutes choses d’ailleurs égales, n’eût point joui du même triomphe sous le règne de Louis XIV, qui aimait les lettres parce qu’il aimait la louange, qui favorisait le génie et les arts, mais qui prétendait toujours leur donner la loi, et qui avait imprimé dans l’esprit de ses peuples une telle dévotion pour le trône et pour sa propre personne que l’on aurait craint de commettre un acte d’idolâtrie en prodiguant à un simple particulier des hommages dont lui-même eût été jaloux. L’enthousiasme avec lequel on vient de faire l’apothéose de M. de Voltaire, de son vivant, est donc la juste récompense, non-seulement des merveilles qu’a produites son génie, mais aussi de l’heureuse révolution qu’il a su faire et dans les mœurs et dans l’esprit de son siècle, en combattant les préjugés de tous les ordres et de tous les rangs, en donnant aux lettres plus de considération et plus de dignité, à l’opinion même un empire plus libre et plus indépendant de toute autre puissance que celle du génie et de la raison.



LXX.


SÉANCE DE LA LOGE DES NEUF-SŒURS


du 7 avril 1778[1].


EXTRAIT DE LA PLANCHE À TRACER
DE LA RESPECTABLE LOGE DES NEUF-SŒURS, À l’ORIENT DE PARIS, LE SEPTIÈME JOUR
DU QUATRIÈME MOIS DE L’AN DE LA VRAIE LUMIÈRE 5778.


Le F∴ abbé Cordier de Saint-Firmin a annoncé à la loge qu’il avait la faveur de présenter, pour être reçu apprenti maçon, M. de Voltaire. Il a dit qu’une assemblée aussi littéraire que maçonnique devait être flattée du désir que témoignait l’homme le plus célèbre de la France, et qu’elle aurait infailliblement égard, dans cette réception, au grand âge et à la faible santé de cet illustre néophyte.

Le V∴ F∴ de Lalande a recueilli les avis du T∴ R∴ F∴ Bacon de La Chevalerie, grand orateur du Grand-Orient, et celui de tous les FF∴ de la loge, lesquels avis ont été conformes à la demande faite par le F∴ abbé Cordier. Il a choisi le T∴ R∴ F∴ comte de Strogonof, les FF∴ Cailhava, président Meslay, Mercier, marquis de Lort, Brinon, abbé Remy, Fabrony

  1. Correspondance de Grimm, édition Tourneux, tome XII, page 185.