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DE VOLTAIRE.

On se préoccupe trop dans le monde religieux et politique de ce que deviendront les restes mortels de Voltaire lorsque l’église Sainte-Geneviève sera enfin restituée aux exercices de la religion. Cette question suppose l’ignorance d’un fait que je vais révéler. La tombe de Voltaire, transférée triomphalement au Panthéon en 1791, celle du sophiste Jean-Jacques, qu’on plaça à ses côtés en l’an III de la République, n’ont pas été fidèles à garder les dépouilles que leur avait confiées la patrie reconnaissante. Qu’on ouvre les monuments où ces contempteurs du christianisme furent ensevelis, et on trouvera deux tombeaux vides. Il y a trente ans, j’appris, par de graves et authentiques récits, que lorsque l’église Sainte-Geneviève fut, sous la Restauration, rendue au culte, dès ce jour Voltaire et le citoyen de Genève avaient fait place pour toujours au Dieu dont ils avaient usurpé le domaine. On peut fouiller, on n’aura pas même un peu de poussière.

Montaubricq, ancien procureur général.


Enfin, au témoignage de M. Dupeuty (Figaro du 28 février 1864), le tombeau de Voltaire a été récemment ouvert au Panthéon, et il a été constaté qu’il est vide, comme l’avait annoncé en 1852 M. Montaubricq. « On avait parlé, dit M. Dupeuty, l’auteur de l’article, de profanation nocturne des cendres de Voltaire, mais la question était restée indécise. Maintenant il n’y a plus à douter : elles ne sont plus au Panthéon. Le tombeau, pèlerinage quotidien des étrangers, et devant lequel les dévots de l’art et de l’esprit français s’inclinaient avec émotion, croyant saluer les reliques du grand homme, ce tombeau est complètement vide ; bien plus, on ne sait ce que sont devenues ces reliques. »

Mais comment était-on si bien instruit, et sur quoi reposaient ces affirmations si précises, si sûres d’elles-mêmes ? M. Dupeuty ajoutait que, lorsque le cœur de l’auteur de la Henriade fut offert à l’État comme revenant légitimement à la nation, Napoléon III pensa que ce qu’il y avait de plus naturel, c’était de le réunir à l’ensemble des dépouilles du poëte. Le Panthéon étant rendu au culte, cela ne se pouvait faire sans en référer à l’archevêque de Paris. Monseigneur Darboy répondit qu’avant de prendre un parti quelconque, il était prudent de vérifier si les cendres de Voltaire étaient encore là, ou si, depuis 1814, il n’y avait plus rien au Panthéon qu’un tombeau vide. L’empereur, étonné, ordonna des fouilles. « Une de ces nuits dernières, ajoutait M. Dupeuty, on est descendu dans les caveaux du Panthéon, on a soulevé la pierre qui, selon la croyance populaire, devait recouvrir les cendres de Voltaire, il n’y a en effet plus rien. Que sont-elles devenues ? »

Cette assertion, reproduite par l’Intermédiaire (p. 44 et 73), n’a pas été contredite. Le doute n’est donc pas possible pour le tombeau de Voltaire ; les trois témoignages que nous avons reproduits semblent prouver suffisamment que celui de Rousseau n’a pas été plus épargné[1].

À quelle époque les restes de Voltaire et de Rousseau ont-ils été enlevés des cercueils qui les enfermaient ? C’est un point qu’il est moins facile d’éclaircir.

  1. Il est cependant à noter que le cercueil de Rousseau est en plomb, et que l’opération, pour demeurer secrète, présentait plus de difficulté.