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SUR L’USAGE DE LA VIE[1]

POUR RÉPONDRE

AUX CRITIQUES QU’ON AVAIT FAITES DU MONDAIN.

 
Sachez, mes très chers amis,
Qu’en parlant de l’abondance,
J’ai chanté la jouissance
Des plaisirs purs et permis,
Et jamais l’intempérance.
Gens de bien voluptueux,
Je ne veux que vous apprendre
L’art peu connu d’être heureux :
Cet art, qui doit tout comprendre,
Est de modérer ses vœux.
Gardez de vous y méprendre.
Les plaisirs, dans l’âge tendre,
S’empressent à vous flatter :
Sachez que, pour les goûter,
Il faut savoir les quitter,
Les quitter pour les reprendre[2].
Passez du fracas des cours
À la douce solitude ;
Quittez les jeux pour l’étude :
Changez tout, hors vos amours.
D’une recherche importune

  1. C’est depuis 1775 que cette pièce s’imprime à la suite de la Défense du Mondain. Elle avait été imprimée, en 1770, à la page 379 du tome X des Nouveaux Mélanges. (B.)
  2. Dans son quatrième Discours sur l’Homme (voyez t. IX, p. 404), Voltaire a
    dit :
    Quittons les voluptés pour savoir les reprendre.