Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/159

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

AVERTISSEMENT

POUR LES TROIS EMPEREURS EN SORBONNE ^

��En 1767, la faculté de théologie de Paris censura le roman philosophique intitulé Bélisaire. Ce vieux général s'était avisé de dire à l'empereur Justi- nien que l'on n'éclairait point les esprits avec la flamme des bûchers-, et qu'il était tenté de croire que Dieu n'avait point condamné à la damnation éternelle les héros de la Grèce et de Rome.

Depuis l'invention de l'imprimerie, la faculté de Paris s'est arrogé le droit de dire son avis en mauvais latin sur les livres qui lui déplaisent; et comme depuis cinquante années le public est en possession de se moquer de cet avis, elle a constamment l'humilité de le traduire en français afin de multiplier les lecteurs et les sifflets.

La censure de Bélisaire eut un grand succès. On ne peut se dissimuler que l'obligation imposée, sous peine de damnation, aux princes et aux magistrats, de condamner à la mort quiconque n'est pas de la communion romaine ne soit une opinion théologique très-moderne. La damnation des païens n'a jamais été donnée comme un article de foi dans les premiers siècles de l'Église. On n'avance de pareilles opinions que lorsqu'on est le maître. La faculté fut donc obligée d'avouer que si le fond de la croyance doit toujours rester le même, cependant on peut l'enrichir de temps en temps de quelques nouveaux articles de foi, dont les circonstances n'avaient point permis à notre Seigneur Jésus-Christ et aux saints apôtres de s'occuper.

Cette assertion parut aussi ridicule que scandaleuse; et lorsqu'on vit que le mauvais français de la Sorbonne n'avait pas même le mérite de rendre exactement son mauvais latin, et qu'en se traduisant eux-mêmes ces sages maîtres avaient fait des contre-sens, les ris redoublèrent.

On trouvera dans cette édition plusieurs pièces en prose sur cette facétie théologique ^. M. de Voltaire s'est plu à attaquer souvent l'opinion que tout

��4. Cette satire est de la fin de 1768. Les Mémoires secrets en parlent le 4 novem- bre. (B.)

2. Chapitre xv du Bélisaire de Marmontel.

3. Anecdote sur Bélisaire, Seconde anecdote sur Bélisaire, Lettre de Gérofle à Cogé, la Prophétie de la Sorbonne, Réponse catégorique au sieur Cogé, Lettre de l'archevêque de Cantorbery à l'archevêque de Paris. (B.)

�� �