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LES TROIS EMPEREURS

EN SORBONNE

PAR M. L’ABBÉ CAILLE

(1768)

L’héritier de Brunswick et le roi des Danois[1],
Vous le savez, amis, ne sont pas les seuls princes
Qu’un désir curieux mena dans nos provinces,
Et qui des bons esprits ont réuni les voix :
Nous avons vu Trajan, Titus, et Marc-Aurèle,
Quitter le beau séjour de la gloire immortelle,
Pour venir en secret s’amuser dans Paris.
Quelque bien qu’on puisse être, on veut changer de place
C’est pourquoi les Anglais sortent de leur pays.
L’esprit est inquiet, et de tout il se lasse :
Souvent un bienheureux s’ennuie en paradis.
Le trio d’empereurs, arrivé dans la ville.
Loin du monde et du bruit choisit son domicile
Sous un toit écarté, dans le fond d’un faubourg.
Ils évitaient l’éclat : les vrais grands le dédaignent.
Les galants de la cour, et les beautés qui règnent.
Tous les gens du bel air, ignoraient leur séjour :
A de semblables saints il ne faut que des sages ;
Il n’en est pas en foule. On en trouva pourtant,
Gens instruits et profonds qui n’ont rien de pédant.
Qui ne prétendent point être des personnages ;
Qui, des sots préjugés paisiblement vainqueurs,
D’un regard indulgent contemplent nos erreurs ;
Qui, sans craindre la mort, savent goûter la vie ;

  1. Ce dernier, Christian VII, se trouvait encore à Paris lorsque cette satire y fut distribuée. Quant à Brunswick, il avait poussé jusqu'à Ferney en 1766, (G. A,)