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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/260

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L’autre jour, à son agonie,
Son curé vint de grand matin,
Lui donner en cérémonie,
Avec son huile et son latin,
Un passe-port pour l’autre vie.
Il vit tous ses péchés lavés
D’un petit mot de pénitence,
Et reçut ce que vous savez
Avec beaucoup de bienséance.
Il fit même un très-beau sermon.
Qui satisfit tout l’auditoire.
Tout haut il demanda pardon
D’avoir eu trop de vaine gloire.
C’était là, dit-il, le péché
Dont il fut le plus entiché ;
Car on sait qu’il était poëte,
Et que sur ce point tout auteur,
Ainsi que tout prédicateur,
N’a jamais eu l’âme bien nette.
Il sera pourtant regretté
Comme s’il eût été modeste.
Sa perte au Parnasse est funeste :
Presque seul il était resté
D’un siècle plein de politesse.
On dit qu’aujourd’hui la jeunesse
A fait à la délicatesse
Succéder la grossièreté,
La débauche à la volupté,
Et la vaine et lâche paresse
À cette sage oisiveté
Que l’étude occupait sans cesse,
Loin de l’envieux irrité.
Pour notre petit Genonville,
Si digne du siècle passé,
Et des faiseurs de vaudeville,
Il me paraît très-empressé
D’abandonner pour vous la ville.
Le système n’a point gâté
Son esprit aimable et facile ;
Il a toujours le même style,
Et toujours la même gaîté.
Je sais que, par déloyauté,