Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/288

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Contre la tendre Volupté
Toujours prêche, argumente et crie ;
Mais celle qui si doucement,
Sans efforts et sans industrie,
Se bornant toute au sentiment,
Sait jusques au dernier moment
Répandre un charme sur la vie.
Voyez-vous pas de tous côtés
De très-décrépites beautés,
Pleurant de n’être plus aimables,
Dans leur besoin de passion
Ne pouvant rester raisonnables,
S’affoler de dévotion,
Et rechercher l’ambition
D’être bégueules respectables ?
Bien loin de cette triste erreur[1],
Vous avez, au lieu de vigiles,
Des soupers longs, gais et tranquilles ;
Des vers aimables et faciles,
Au lieu des fatras inutiles
De Quesnel et de Letourneur ;
Voltaire, au lieu d’un directeur ;
Et, pour mieux chasser toute angoisse,
Au curé préférant Campra[2],
Vous avez loge à l’Opéra
Au lieu de banc à la paroisse ;
Et ce qui rend mon sort plus doux,
C’est que ma maîtresse chez vous,
La Liberté, se voit logée ;
Cette Liberté mitigée,
À l’œil ouvert, au front serein,
À la démarche dégagée,
N’étant ni prude, ni catin,
Décente, et jamais arrangée,
Souriant d’un souris badin
À ces paroles chatouilleuses
Qui font baisser un œil malin
À mesdames les précieuses.

  1. Variante :
    Bien loin de cette sotte erreur.
  2. Variante :
    Qui jamais ne retournera.