Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/56

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Que Mahomet puisse donner.
Les honneurs vont renvironner
Quand tu seras en exercice ;
Mais il faut me faire serment
De ne toucher femme ni fille ;
De n’en voir jamais qu’à la grille,
Et de vivre très-chastement. »

Le beau jeune homme étourdiment,
Pour avoir des biens de l’Église,
Conclut cet accord imprudent,
Sans penser faire une sottise.
Monsieur l’iman fut enchanté
De l’éclat de sa dignité,
Et même encor de la finance
Dont il se vit d’abord payé
Par un receveur d’importance,
Qui la partageait par moitié.

Tant d’honneur et tant d’opulence
N’étaient rien sans un peu d’amour.
Tous les matins, au point du jour,
Le jeune Azolan tout en flamme,
Et par son serment empêché,
Se dit, dans le fond de son âme,
Qu’il a fait un mauvais marché.
Il rencontre la belle Amine,
Aux yeux charmants, au teint fleuri :
Il l’adore, il en est chéri.
« Adieu la Mecque, adieu Médine ;
Adieu l’éclat d’un vain honneur,
Et tout ce pompeux esclavage ;
La seule Amine aura mon cœur :
Soyons heureux dans mon village. »

L’archange aussitôt descendit
Pour lui reprocher sa faiblesse.
Le tendre amant lui répondit :
« Voyez seulement ma maîtresse.
Vous vous êtes moqué de moi :
Notre marché fait mon supplice ;
Je ne veux qu’Amine et sa foi :