Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/76

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        Six jours de peine, un seul jour de bonheur.
        Du mal au bien toujours le destin change :
        Mais il est peu de plaisirs sans douleur,
        Et nos chagrins sont souvent sans mélange. »

De la sage Climène enfin c’était le tour.
Son talent n’était pas de conter des sornettes,
De faire des romans, ou l’histoire du jour,
De ramasser des faits perdus dans les gazettes.
Elle était un peu sèche, aimait la vérité,
La cherchait, la disait avec simplicité ;
Se souciant fort peu qu’elle fût embellie,
Elle eût fait un bon tome à l’Encyclopédie.
Climène à ses deux sœurs adressa ce discours :
« Vous m’avez de nos dieux raconté les amours,
            Les aventures, les mystères :
Si nous n’en croyons rien, que nous sert d’en parler ?
Un mot devrait suffire : on a trompé nos pères,
            Il ne faut pas leur ressembler.
            Les Béotiens, nos confrères,
Chantent au cabaret l’histoire de nos dieux ;
Le vulgaire se fait un grand plaisir de croire
            Tous ces contes fastidieux
Dont on a dans l’enfance enrichi sa mémoire.
Pour moi, dût le curé me gronder après boire,
Je m’en tiens à vous dire, avec mon peu d’esprit,
Que je n’ai jamais cru rien de ce qu’on m’a dit.
D’un bout du monde à l’autre on ment et l’on mentit ;
Nos neveux mentiront comme ont fait nos ancêtres.
            Chroniqueurs, médecins, et prêtres.
Se sont moqués de nous dans leur fatras obscur :
            Moquons-nous d’eux, c’est le plus sûr.
            Je ne crois point à ces prophètes
            Pourvus d’un esprit de Python,
            Qui renoncent à leur raison
            Pour prédire des choses faites.
Je ne crois pas qu’un Dieu nous fasse nos enfants ;
        Je ne crois point la guerre des géants ;
Je ne crois point du tout à la prison profonde
D’un rival de Dieu même en son temps foudroyé ;
Je ne crois point qu’un fat ait embrasé ce monde,
            Que son grand-père avait noyé ;