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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/82

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Le grand Bacchus, digne en tout de son père ;
Bellérophon, vainqueur de la Chimère ;
Cent demi-dieux des Grecs et des Romains.
En tous les temps tout pays eut ses saints.
Or, mes amis, il faut que je déclare
Que si j’étais rebuté du Tartare,
Cet Élysée et sa froide beauté
M’avaient aussi promptement dégoûté.
Impatient de fuir cette cohue,
Pour m’esquiver je cherchais une issue,
Quand j’aperçus un fantôme effrayant,
Plein de fumée, et tout enflé de vent,
Et qui semblait me fermer le passage.
« Que me veux-tu ? dis-je à ce personnage.
— Rien, me dit-il, car je suis le Néant.
Tout ce pays est de mon apanage. »
De ce discours je fus un peu troublé.
« Toi le Néant ! jamais il n’a parlé…
— Si fait, je parle ; on m’invoque, et j’inspire
Tous les savants qui sur mon vaste empire
Ont publié tant d’énormes fatras…
— Eh bien, mon roi, je me jette en tes bras.
Puisqu’en ton sein tout l’univers se plonge,
Tiens, prends mes vers, ma personne, et mon songe :
Je porte envie au mortel fortuné
Qui t’appartient au moment qu’il est né. »


FIN DES CONTES EN VERS.