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CHAPITRE XI.

vait point de Marius ; c’est que les mœurs étaient changées ; c’est que l’empire était partagé entre les ariens et les athanasiens. On ne s’occupait que de deux objets, les courses du cirque et les trois hypostases. L’empire romain avait alors plus de moines que de soldats, et ces moines couraient en troupes de ville en ville pour soutenir ou pour détruire la consubstantialité du Verbe. Il y en avait soixante et dix mille en Égypte.

Le christianisme ouvrait le ciel, mais il perdait l’empire : car non-seulement les sectes nées dans son sein se combattaient avec le délire des querelles théologiques, mais toutes combattaient encore l’ancienne religion de l’empire ; religion fausse, religion ridicule sans doute, mais sous laquelle Rome avait marché de victoire en victoire pendant dix siècles.

Les descendants des Scipion étant devenus des controversistes, les évêchés étant plus brigués que ne l’avaient été les couronnes triomphales, la considération personnelle ayant passé des Hortensius et des Cicéron aux Cyrille, aux Grégoire, aux Ambroise, tout fut perdu ; et si l’on doit s’étonner de quelque chose, c’est que l’empire romain ait subsisté encore un peu de temps.

Théodose, qu’on appelle le grand Théodose, paya un tribut au superbe Alaric, sous le nom de pension du trésor impérial. Alaric mit Rome à contribution la première fois qu’il parut devant les murs, et la seconde il la mit au pillage. Tel était alors l’avilissement de l’empire de Rome que ce Goth dédaigna d’être roi de Rome, tandis que le misérable empereur d’Occident, Honorius, tremblait dans Ravenne, où il s’était réfugié.

Alaric se donna le plaisir de créer dans Rome un empereur nommé Attale, qui venait recevoir ses ordres dans son antichambre. L’histoire nous a conservé deux anecdotes concernant Honorius, qui montrent bien tout l’excès de la turpitude de ces temps : la première, qu’une des causes du mépris où Honorius était tombé, c’est qu’il était impuissant ; la seconde, c’est qu’on proposa à cet Attale, empereur, valet d’Alaric, de châtrer Honorius pour rendre son ignominie plus complète.

Après Alaric vint Attila, qui ravageait tout, de la Chine jusqu’à la Gaule. Il était si grand, et les empereurs Théodose et Valentinien III si petits, que la princesse Honoria, sœur de Valentinien III, lui proposa de l’épouser. Elle lui envoya son anneau pour gage de sa foi ; mais avant qu’elle eût réponse d’Attila, elle était déjà grosse de la façon d’un de ses domestiques.

Lorsque Attila eut détruit la ville d’Aquilée, Léon, évêque de Rome, vint mettre à ses pieds tout l’or qu’il avait pu recueillir