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CAUSES DE LA CHUTE DE L’EMPIRE ROMAIN.

des Romains pour racheter du pillage les environs de cette ville, dans laquelle l’empereur Valentinien III était caché. L’accord étant conclu, les moines ne manquèrent pas d’écrire que le pape Léon avait fait trembler Attila ; qu’il était venu à ce Hun avec un air et un ton de maître ; qu’il était accompagné de saint Pierre et de saint Paul, armés tous deux d’épées flamboyantes, qui étaient visiblement les deux glaives de l’Église de Rome. Cette manière d’écrire l’histoire a duré, chez les chrétiens, jusqu’au xvie siècle sans interruption.

Bientôt après, des déluges de barbares inondèrent de tous côtés ce qui était échappé aux mains d’Attila.

Que faisaient cependant les empereurs ? ils assemblaient des conciles. C’était tantôt pour l’ancienne querelle des partisans d’Athanase, tantôt pour les donatistes ; et ces disputes agitaient l’Afrique quand le Vandale Genseric la subjugua. C’était d’ailleurs pour les arguments de Nestorius et de Cyrille, pour les subtilités d’Eutychès ; et la plupart des articles de foi se décidaient quelquefois à grands coups de bâton, comme il arriva sous Théodose II, dans un concile convoqué par lui à Éphèse, concile qu’on appelle encore aujourd’hui le brigandage. Enfin, pour bien connaître l’esprit de ce malheureux temps, souvenons-nous qu’un moine ayant été rebuté un jour par Théodose II, qu’il importunait, le moine excommunia l’empereur ; et que ce César fut obligé de se faire relever de l’excommunication par le patriarche de Constantinople.

Pendant ces troubles mêmes, les Francs envahissaient la Gaule ; les Visigoths s’emparaient de l’Espagne ; les Ostrogoths, sous Théodose, dominaient en Italie, bientôt après chassés par les Lombards. L’empire romain, du temps de Clovis, n’existait plus que dans la Grèce, l’Asie Mineure et dans l’Égypte ; tout le reste était la proie des barbares. Scythes, Vandales et Francs, se firent chrétiens pour mieux gouverner les provinces chrétiennes assujetties par eux ; car il ne faut pas croire que ces barbares fussent sans politique ; ils en avaient beaucoup, et en ce point tous les hommes sont à peu près égaux. L’intérêt rendit donc chrétiens ces déprédateurs ; mais ils n’en furent que plus inhumains. Le jésuite Daniel, historien français, qui déguise tant de choses, n’ose dissimuler que Clovis fut beaucoup plus sanguinaire, et se souilla de plus grands crimes après son baptême que tandis qu’il était païen. Et ces crimes n’étaient pas de ces forfaits héroïques qui éblouissent l’imbécillité humaine : c’étaient des vols et des parricides. Il suborna un prince de Cologne qui assassina son père ;