Il est honteux pour notre siècle qu’il y ait encore des compilateurs et des déclamateurs, comme Maimbourg[1], qui répètent cette ancienne fable que deux Juifs avaient prédit l’empire à Léon, et qu’ils avaient exigé de lui qu’il abolît le culte des images ; comme s’il eût importé à des Juifs que les chrétiens eussent ou non des figures dans leurs églises. Les historiens qui croient qu’on peut ainsi prédire l’avenir sont bien indignes d’écrire ce qui s’est passé.
Son fils Constantin Copronyme fit passer en loi civile et ecclésiastique l’abolition des images. Il tint à Constantinople un concile de trois cent trente-huit évêques ; ils proscrivirent d’une commune voix ce culte, reçu dans plusieurs églises, et surtout à Rome.
Cet empereur eût voulu abolir aussi aisément les moines, qu’il avait en horreur, et qu’il n’appelait que les abominables : mais il ne put y réussir : ces moines, déjà fort riches, défendirent plus habilement leurs biens que les images de leurs saints.
Les papes Grégoire II et III, et leurs successeurs, ennemis secrets des empereurs, et opposés ouvertement à leur doctrine, ne lancèrent pourtant point ces sortes d’excommunications, depuis si fréquemment et si légèrement employées. Mais soit que ce vieux respect pour les successeurs des Césars contint encore les métropolitains de Rome, soit plutôt qu’ils vissent combien ces excommunications, ces interdits, ces dispenses du serment de fidélité seraient méprisés dans Constantinople, où l’Église patriarcale s’égalait au moins à celle de Rome, les papes tinrent deux conciles en 728 et en 732, où l’on décida que tout ennemi des images serait excommunié, sans rien de plus, et sans parler de l’empereur. Ils songèrent dès lors plus à négocier qu’à disputer. Grégoire II se rendit maître des affaires dans Rome, pendant que le peuple, soulevé contre les empereurs, ne payait plus les tributs. Grégoire III se conduisit suivant les mêmes principes. Quelques auteurs grecs postérieurs, voulant rendre les papes odieux, ont écrit que Gré-
- ↑ Dans son Histoire des iconoclastes, tome X de ses Œuvres complètes, publiées, en 1686 et 1687, à Paris, en quatorze volumes in-4o. Le Catalogue des principaux écrivains du Siècle de Louis XIV contient, de Voltaire, une note favorable à cet auteur, dont les histoires de la Ligue, des Croisades, du Luthéranisme, du Calvinisme, de la Décadence de l’Empire, eurent un moment de grande vogue. Louis Maimbourg, né à Nancy en 1620, était entré tout jeune dans la compagnie de Jésus ; mais il en fut expulsé par ordre du pape à cause de son attachement aux idées gallicanes. Louis XIV le pensionna, et lui assura une retraite à l’abbaye de Saint-Victor, où Maimbourg mourut en 1686. (E. B.)