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CHAPITRE CX.

se marier avec ses parentes, soit pour répudier sa femme : car de tels mariages ou de tels divorces étant souvent nécessaires à l’État, la tranquillité d’un royaume dépendait donc de la manière de penser d’un pape, souvent ennemi de ce royaume.

L’autre raison qui liait Louis XII avec Alexandre VI, c’était ce droit funeste qu’on voulait faire valoir sur les États d’Italie. Louis XII revendiquait le duché de Milan, parce qu’il comptait parmi ses grand’mères une sœur d’un Visconti, lequel avait eu cette principauté. On lui opposait la prescription de l’investiture que l’empereur Maximilien avait donnée à Louis le Maure, dont même cet empereur avait épousé la nièce.

Le droit public féodal toujours incertain ne pouvait être interprété que par la loi du plus fort. Ce duché de Milan, cet ancien royaume des Lombards, était un fief de l’empire. On n’avait point décidé si ce fief était mâle ou femelle, si les filles devaient en hériter. L’aïeule de Louis XII, fille d’un Visconti, duc de Milan, n’avait eu par son contrat de mariage que le comté d’Ast. Ce contrat de mariage fut la source des malheurs de l’Italie, des disgrâces de Louis XII, et des malheurs de François Ier. Presque tous les États d’Italie ont flotté ainsi dans l’incertitude, ne pouvant ni être libres, ni décider à quel maître ils devaient appartenir.

Les droits de Louis XII sur Naples étaient les mêmes que ceux de Charles VIII.

Le bâtard du pape, César de Borgia, fut chargé d’apporter en France la bulle du divorce et de négocier avec le roi sur tous ses projets de conquête. Borgia ne partit de Rome qu’après s’être assuré du duché de Valentinois, d’une compagnie de cent hommes d’armes, et d’une pension de vingt mille livres que lui donnait Louis XII, avec promesse de faire épouser à cet archevêque la sœur du roi de Navarre. César de Borgia, tout diacre et archevêque qu’il était, passa donc à l’état séculier ; et son père, le pape, donna en même temps dispense à son fils et au roi de France, à l’un pour quitter l’Église, à l’autre pour quitter sa femme. On fut bientôt d’accord. Louis XII prépara une nouvelle descente en Italie.

Il avait pour lui les Vénitiens, qui devaient partager une partie des dépouilles du Milanais. Ils avaient déjà pris le Bressau et le pays de Bergame : ils voulaient au moins le Crémonais, sur lequel ils n’avaient pas plus de droit que sur Constantinople.

L’empereur Maximilien, qui eût dû défendre le duc de Milan, oncle de sa femme et son vassal, contre la France son ennemie naturelle, n’était alors en état de défendre personne. Il se soute-